Dernières sorties

C'est décidé, ce sera le mardi 11 septembre. Le grand départ. Après un mois passé sur la côte est des Etats-Unis, je quitte le Connecticut, ses colibris, son baseball, ses rangers américains et ses fous du vélo pour une nouvelle ville, canadienne cette fois. Je me demande un peu ce que je vais bien pouvoir y trouver.
C'est en bus que j'ai finalement choisi d'effectuer le périlleux passage de la frontière (je ne tiens pas à retomber sur le suspicieux moustachu YMCA de la dernière fois, surtout un 11 septembre...) et c'est donc un bon trajet de 8 heures à travers le nord du Connecticut, le Maine et le Vermont qui se prépare. Comme je le dis toujours, le trajet fait partie du voyage.


Pour répondre aux nombreux mails, voici le programme des derniers jours. Ce ne fut pas une semaine de repos :

Tout d'abord, mes globules blancs qui avaient pourtant bien résisté jusqu'à présent connaissent une fin de mois difficile. La semaine commence donc avec un bon "nez qui courre" (je vous traduis l'expression anglaise "runny nose") et une bonne fièvre. Comment est-ce possible avec près de 30 degrés tous les jours ? La recette est simple : entrez et sortez des grands frigos utilisés pour le stockage des fruits plusieurs fois par jours et croyez-moi, l'effet est radical.

Pas de chance pour moi, me voila donc physiquement diminué au moment où la grande sortie à vélo - prévue de longue date - a lieu : 40 miles, dont la conversion nous amène à près de 64 km, en dépit de la chute du cours du dollar.
Le début est par conséquent laborieux, mon nez qui "courre" ne m'aide en rien dans les montées mais je suis sauvé au bout de 20 miles par une crevaison inespérée. Sur ce blog, je tiens donc à remercier chaleureusement la bienveillance de l'Américain qui, jetant une bouteille de verre sur le bas-côté de la route, a mis un terme à mon affreux calvaire...
C'est à travers de tels gestes que l'amitié franco-américaine a de l'avenir.

Ensuite, nous recevons la visite des parents de Bethany, la copine de John (fils de Peter et Solveig pour ceux qui auraient manqué quelques épisodes). C'est l'occasion de parler cinéma avec le père de Bethany qui enseigne les musiques de films à l'université de Moscow en Idaho. D'une redoutable culture cinématographique, j'arrive néanmoins à lui conseiller un de mes films favoris, le fameux "Gatacca" de Andrew Niccol dont la musique est particulièrement réussie (et j'en connais une qui ne dira pas le contraire).
Encore une fois, nous passons une excellente soirée et une fois de plus, je suis impressionné par la facilité avec laquelle on entre en discussion avec ces Américains. Pour me l'expliquer, j'avance l'hypothèse de l'absence du vouvoiement qui pourrait faciliter ce "premier contact". Psychologiquement (mais je ne suis pas "expert" en la matière ; je n'ai pas "l'esprit"), je pense que le passage du vouvoiement au tutoiement modifie notre rapport à l'autre car ici, un parfait inconnu vous aborde comme s'il vous connaissait depuis longtemps. C'est parfois assez étonnant.
Bref, lui expliquant mon projet de traverser le Canada d'est en ouest jusqu'en Colombie Britannique, je me retrouve avec une invitation à faire un détour par l'Idaho et visiter, à mon sens, l'un des plus beaux Etats des Etats-Unis.
Pour les curieux, voici d'ailleurs quelques photos sur le site officiel de l'Idaho : http://www.visitidaho.org/placestogo/parks.aspx


Mercredi, Solveig et son amie Linda m'emmènent à la Heublein Tower. Il s'agit d'une haute tour qui domine une grande partie du Connecticut et en haut de laquelle nous avons un panorama assez exceptionnel. Pour y arriver, quelques heures éprouvantes de montée sont nécessaires (rien qu'un simple échauffement pour mon cousin des Alpes) mais la vue en vaut très largement la peine. Une belle récompense pour les efforts que nous avons fournis.


Jeudi, je retrouve un ancien collègue de boulot. Voilà, on fait 6000 kilomètres, on traverse un océan et on retrouve ses anciens collègues qui habitent à quelques minutes de là... le monde est petit.
Il me propose une petite sortie à New-York, le genre de proposition qui n'en est pas vraiment une, tout simplement parce qu'elle ne se refuse pas. J'en profite donc pour visiter la partie de New-York qui manquait à mon album de photos ; le sud de l'ile en l'occurrence, avec ses hautes tours, une vue magnifique sur l'océan atlantique et une petite statuette assez méconnue qui fait face à la mer, une grosse bougie dans une main et une tablette dans l'autre... vous ne voyez pas ? Allez, c'est un petit cadeau aux Américains de la part de nos ancêtres. Ah, quand même !

Pour avoir la plus belle vue possible - je n'ai pas (encore) les moyens de m'offrir une balade en hélicoptère - je prends le Staten Island Ferry qui relie la pointe sud de Manhattan et Staten Island, l'une des cinq circonscriptions de la ville de New-York située juste en face, le tout en passant juste devant la Statue de la Liberté. La chance est avec moi, j'embarque au moment où le soleil se couche et le retour se fait en pleine nuit sous le scintillement des lumières de la ville.
Je ne suis pas près d'oublier ce moment, c'est tout simplement la plus belle vue de New-York de tout mon séjour. Dernière info, ce ferry entre tout à fait dans un budget vacances car il est gratuit... bravo New-York !


Concert des Yardbirds

Déjà trois semaines passées aux Etats-Unis, c'est fou comme le temps passe vite.
Le Connecticut est si magnifique que je troquerais bien une partie de mon autorisation de travail au Canada pour rester un peu plus longtemps aux Etats-Unis...

Pour autant, je ne perds pas de vue l'objectif premier de mon voyage, il est donc temps d'organiser sérieusement le passage de la frontière canadienne car j'ai encore en mémoire la douloureuse expérience de mon entrée sur le territoire. J'essaie quand même de me rassurer en me disant que si les services d'immigration ont tout tenté pour m'empêcher de poser le pied sur le sol américain, ils devraient logiquement dérouler le tapis rouge pour ma sortie...
Cela dit, on ne sait jamais : ces derniers jours, les Red Sox accumulent les défaites - mettant le pauvre Andy dans tous ses états - ils pourraient donc bien avoir besoin des talents de l'excellent batteur Français pour redorer leur blason.

En dehors des "party" et autres invitations devenues régulières, le temps fort de la semaine est notre présence au concert des Yardbirds au grand casino Mohegan Sun, situé au bord de l'océan pacifique.
Ne connaissant les Yardbirds que de nom (groupe de rock des années 60), je m'attends à un petit concert bien rétro au milieu d'une foule de sexagénaires aussi déchaînés que les statues du musée Grévin...
Mais Andy, en vrai fan du groupe, sort ses fiches et j'ai immédiatement droit à une biographie détaillée de tous les membres du groupe. En matière de rock, croyez-moi, Andy vaut bien largement Wikipédia. Grâce à lui, j'apprends notamment que de fameux guitaristes comme Jeff Beck (Philippe, c'est pour toi), Jimmy Page ou un certain Eric Clapton en ont fait partie. Finalement, c'est plutôt assez tentant !

Jeudi, nous partons donc en direction du Mohegan Sun, l'un des plus grands Casinos des Etats-Unis. Il faut savoir que les casinos étant interdits dans le Connecticut comme dans de nombreux autres Etats (tous ?) des Etats-Unis, ils ne peuvent être implantés que sur le territoire des réserves indiennes où la législation est beaucoup plus souple. Par conséquent, ces casinos appartiennent souvent aux indiens et à l'intérieur du casino, plus des trois quarts des employés sont d'origine indienne.

Le spectacle étant gratuit, nous réservons nos places le plus tôt possible. Attention, si parce que c'est gratuit vous pensez que ces indiens sont généreux, c'est vite oublier que la file d'attente traverse le parc des machines à sous (ou de "machines à sioux", si vous me permettez ce petit jeu de mots de circonstance qui me coûtera sans doute une malheureuse baisse de fréquentation du blog). En attendant le concert, je prends soin de ne pas miser tout le budget de mon voyage au poker mais en dépense sagement une petite partie dans l'un des innombrables restaurants où là au moins, je suis persuadé de "gagner" quelque chose sans risque.

Ensuite c'est le concert, dès les premières mesures, les Yardbirds annoncent la couleur : ça va déménager ! J'abandonne mes idées préconçues sur le rock des années 60 (et sur la léthargie du troisième âge) ; les tympans prennent leur dose pour l'année, l'ambiance est démente et la musique est fantastique. It rocks ! Tiens, je crois que je vais même acheter l'album...

Sur le retour, Peter nous fait une petite frayeur (ou le coup de la panne) : un pneu crève sur l'autoroute ce qui nous donne droit à une petite glissade bien contrôlée, probablement pilote de NASCAR dans une vie antérieure. Ainsi s'achève une journée riche en sensations !

A partir d'aujourd'hui, mes journées sont axées sur les démarches nécessaires au passage de la frontière et à mon arrivée sur Montréal pour qu'il s'effectue dans les meilleures conditions possibles. Nul doute que le Connecticut va me manquer...


Où le Français fait des miracles

Lors de mon dernier article, les plus perspicaces auront remarqué qu'aucune allusion n'était faite au week-end, vu qu'il est souvent difficile d'évoquer ce qui ne s'est pas encore produit.

Samedi matin, bien décidés à se faire un peu de publicité, Solveig et moi partons investir un marché. Comme c'est la première fois, nous chargeons la voiture de fruits sans vraiment savoir si le succès sera au rendez-vous. Même Solveig, d'ordinaire si confiante, semble sceptique : "surtout, n'oublie pas d'emporter de quoi bouquiner". Ca veut tout dire...
Je prends avec moi de quoi lire pendant 3 jours et nous partons, sachant que, quoi qu'il arrive, nous ne rentrerons pas avant la fin de la journée.

Sur place, le marché est très convivial, les gens sont souriants et agréables et l'ambiance très sympa. Un type habillé en cow-boy approche son gros pick-up (petit véhicule passe-partout des Etats-Unis, comparable à notre clio), grimpe à l'arrière, sort sa guitare et son harmonica puis se met à jouer des bons vieux tubes de country. C'est pas mal du tout et heureusement car il va jouer pratiquement toute la journée...
Les stands proposent des produits provenant des fermes environnantes : des confitures aux fruits en passant par les légumes... jusqu'aux lamas. Oui, des lamas ; ne me demandez pas pourquoi mais à un stand, il y avait trois lamas qui tiraient la langue et plongeaient leurs têtes dans leur abreuvoir, écrasés par la chaleur. J'essaye d'en savoir un peu plus (une vente de lamas, de fromage de lamas ou d'albums de Tintin au Tibet, peut-être ?) et en discutant avec le propriétaire, je n'apprends qu'une seule chose : j'ai encore des progrès à faire en Anglais.
Je ne sais pas d'où vient cet énergumène mais je ne comprends pas un seul mot de ce qu'il raconte. Ma technique est simple ; j'écoute et fais semblant de comprendre en prenant soin de hocher la tête de temps en temps dès que le flux de paroles ralentit (souvent le signe de la fin d'une phrase)...

Retour au stand des Hayward, les premiers clients arrivent et les ventes s'accélèrent. Lorsque Solveig s'absente pour prendre quelques photos, je suis obligé de la rappeler, débordé par le nombre de personnes intéressés par les bons fruits de Peter.
Plus de pêches, bientôt plus de poires et enfin les dernières pommes sont achetées. En à peine une matinée, nous sommes au chômage technique ; il ne nous reste plus qu'à rentrer et je n'ai pas eu le temps de lire une ligne de mon bouquin.

Durant la matinée, beaucoup de clients me posent des questions sur la France, me demandent de quelle ville je viens, me parlent dee régions françaises et de Paris. Je réalise alors que de très nombreux Americains ont appris le français à l'école et très souvent souhaitent échanger quelques mots. J'ai été très touché par leurs efforts pour s'exprimer à tout prix dans cette langue pourtant particulièrement difficile.
Mais c'est aussi pour moi l'occasion d'en savoir un peu plus sur les méthodes pédagogiques de l'apprentissage du français aux Etats-Unis qui tiennent en une phrase : "Où est la bibliothèque ?" Ou bien les Américains sont de grands passionnés de lecture, ou bien il doit s'agir de la leçon 1 du chapitre 1 de leur manuel...

Dimanche soir, lors d'une party à la ferme des Hayward, j'ai droit à mon premier match de baseball. On me fournit tout le matériel nécessaire et c'est la révélation ; je me découvre un talent caché : dès le premier "inning" (la première période), j'envoie un satellite de plus en gravitation autour de la terre. Le Haward Stadium est surpris mais doit se résigner à applaudir le champion venu de la vieille Europe... à moins que ce ne soit la chance du débutant.
C'est étonnant, c'est à l'extérieur (aux USA) et dans un sport typiquement américain que je prends ma revanche sur toutes les humiliations subies depuis le début ! J'en profite pour les charrier un peu en leur rappelant les origines de ce sport sans doute inventé par les Français en l'an 800 avant J.C. Ils vont devoir s'habituer à voir des Français jouer aux baseball maintenant ; je vais peut-être contacter les Red Sox, qui sait ?

Tiens, après le match, Andy me propose de faire un grand tour de vélo le lendemain... sans doute veut-il prendre sa revanche...


page 1 sur 4 | suivante > | >>